Surprenant : Comment le sommeil améliore-t-il la mémoire ?
Publié le 18 août 2015 à 09:00
Souvenirs personnels, connaissances, savoirs faire, apprentissage... le sommeil améliore nettement notre mémoire, mais également nos capacités d’apprentissage. Toutefois, d’autres questions se posent à nous : la sieste a-t-elle les mêmes effets que le sommeil ? Une privation de sommeil peut-elle faire oublier des événements traumatisants ? Le sommeil permet-il de résoudre certains problèmes ? Les sommeils profond et paradoxal ont-ils les mêmes bienfaits ? Tout comprendre sur la relation entre le sommeil et la mémoire.
Et si même la sieste améliorait la mémoire ?
Au 1er siècle après Jésus Christ, le philosophe Quintilien pressentait déjà le rôle crucial du sommeil pour la mémoire.
Toutefois, il a fallu attendre 1924 pour qu'une première expérience scientifique le prouve. Des volontaires devaient se souvenir de 10 syllabes dénuées de sens 8 heures après les avoir apprises : le taux de succès était de 10 % s'ils étaient restés éveillés... et de 60 % s'ils avaient dormi !
Puis, dans les années 1970-1980, on découvre qu'un apprentissage modifie la structure et la durée du sommeil qui suit, ce qui, en retour, renforce la mémoire de cet apprentissage, comme une sorte d'autorégulation.
Ce sont les années 1990-2000 qui vont apporter une découverte capitale : les circuits cérébraux que nous activons pour un apprentissage se réactivent spontanément quand nous dormons... comme si notre cerveau se mettait en mode "replay" pour réviser ce qu’il vient d’apprendre !
Au fil des années, on a ensuite découvert que, non seulement, dormir consolide nos apprentissages de la veille, mais qu'en plus, cela améliore la capacité du cerveau à encoder de nouvelles informations au réveil.
Et mieux encore : une simple sieste en début d'après-midi suffit même à ce court sommeil pour exercer ces actions bienfaitrices.
Une privation de sommeil pourrait faire oublier un événement traumatisant
De nombreux facteurs peuvent altérer la qualité du sommeil : bruits, stress, apnées du sommeil, vieillesse... Cela peut-il avoir une influence sur la mémoire ?
Des chercheurs ont empêché des volontaires d'atteindre un sommeil profond. Résultat : cela a suffi à réduire leur capacité à apprendre de nouvelles choses, mais aussi à retenir ce qu’ils avaient appris la veille.
Il faut donc bien dormir avant d'apprendre (pour restaurer les capacités d'encodage) et après avoir appris (pour consolider les nouveaux souvenirs).
Ce dernier rôle du sommeil est si puissant que certains scientifiques préconisent carrément une privation de sommeil après un événement traumatisant afin d’éviter qu'il ne s'ancre dans la mémoire et aboutisse au fameux état de « stress post-traumatique ».
Les sommeils profond et paradoxal n’ont pas du tout les mêmes effets
Le sommeil paradoxal consolide surtout l'apprentissage de nouveaux « savoirs faire ». Et mieux encore, il peut améliorer nos performances au réveil, comme si le cerveau endormi avait poursuivi l'apprentissage de la veille !
Quant au sommeil profond ou « sommeil lent », il consolide la mémoire des événements et des connaissances impliquant une structure cérébrale nommée hippocampe.
Chez des volontaires privés de sommeil pendant 36 heures, la mémoire des événements et des connaissances est nettement dégradée avec des conséquences analogues aux effets du vieillissement.
A l'inverse, des scientifiques ont réussi à renforcer la mémoire de volontaires en amplifiant les oscillations lentes de leur sommeil profond grâce à des électrodes placées sur le cerveau.
Le sommeil améliore la capacité à résoudre des problèmes
Le sommeil ne fait pas qu'accroitre notre mémoire, il améliore aussi sa qualité.
Il effectue, par exemple, le tri entre nos très nombreux souvenirs pour ne garder que les plus importants ou les plus utiles. Cette sélection est primordiale pour le bon fonctionnement de la mémoire qui ne peut et ne doit pas tout retenir.
Il améliore également la capacité de déduction, la résolution de problèmes, la découverte d'indices cachés : ainsi, Dimitri Mendeleïev a rêvé d'un tableau dont les éléments chimiques sont à leur place... avant d'établir sa célèbre classification périodique des éléments chimiques, ou encore Otto Loewi qui se réveille avec la sensation d'avoir trouvé la solution au mécanisme de transmission chimique de l'influx nerveux : il file dans son laboratoire pour réaliser l'expérience : c'était bien cela ! Une découverte qui lui vaudra le Prix Nobel de physiologie...
La « madeleine de Proust » nocturne
Depuis 3 à 4 ans, des chercheurs tentent des expériences encore plus étonnantes pour booster la mémoire.
Ils demandent, par exemple, à des volontaires de mémoriser l'emplacement d'images (le célèbre jeu Memory). Pendant qu'ils s'entraînent à mémoriser ces emplacements, on diffuse une odeur de rose dans la pièce. Puis la nuit suivante, pendant leur sommeil profond, cette odeur de rose est de nouveau diffusée dans leur chambre sans qu'ils le sachent. Résultat : l'odeur nocturne de rose réactive leur hippocampe, et améliore leur résultat le lendemain par rapport aux témoins !
D'autres scientifiques ont tenté des expériences en utilisant, non pas des odeurs, mais des sons, avec des résultats tout aussi étonnants. Des travaux récents montrent par exemple que diffuser pendant le sommeil une mélodie au piano renforce son apprentissage.
Ces réactivations sonores nécessitent toutefois un hippocampe en bon état de marche ce qui pourrait limiter leurs effets chez les personnes âgées, les performances de l'hippocampe se dégradant avec l'âge.
Infos pratiques
Toutes ces informations ont été dévoilées lors 2 conférences de l’Observatoire B2V des mémoires, les 17 et 18 juin derniers. Ces conférences étaient menées par les professeurs Robert Jaffart, neurobiologiste spécialiste du sommeil, et Jean-Gabriel Ganascia, spécialiste de la mémoire digitale et de l’intelligence artificielle.
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