Puberté : pourquoi nos ados ont l’air si mal dans leur peau ?
Publié le 31 mai 2016 à 10:00
Voir son corps se transformer, sortir peu à peu de l’enfance pour aller vers l’âge adulte… la puberté est l’un des bouleversements majeurs de la vie. Pas étonnant alors, que nos ados aient parfois l’air si mal dans leur peau.
La puberté est une perte de repères, tant corporels que familiaux.
Les repères corporels
Voir ses seins pousser, le sang couler chaque mois au moment des règles, ou, pour les garçons, se voir pousser des poils, vivre sa première éjaculation, ne plus reconnaître le son de sa voix sont autant d’expériences inquiétantes.
Le « familier », son corps, se transforme dans un laps de temps relativement court, pour devenir étranger, sinon étrange.
Sur ce terrain peuvent germer des complexes liés au physique : telle jeune fille voudra à toute force dissimuler sa poitrine naissante sous de larges pulls informes, tel garçon laissera pousser ses cheveux, afin de gommer les différences sexuelles, tel ado arrêtera brusquement le sport parce que, honteux d’un corps jugé trop maigre ou trop gros, il refusera l’épreuve de la douche devant les autres…
D’autre part, d’un seul coup ou presque voilà le garçon devenir aussi grand que son père et la fille capable d’enfiler les talons aiguilles de sa mère !
Les repères familiaux
Ces modifications physiologiques et physiques modifient d’autres repères. Ainsi, tous les « quand je serai grand je pourrai… » quittent le domaine du fantasme pour entrer dans celui du possible.
Avec la puberté, le statut de parents change de fait. Les identifications qui permettaient de se construire sont réinterrogées. Il devient possible de faire réellement comme le père et donc de prendre sa place. Les désirs œdipiens se réactualisent par conséquent, avec une force nouvelle qui demande de nouvelles défenses pour les refouler : rejet, agressivité, soumission, inhibition…
Dans ce remaniement d’identité, l’enjeu est de se défaire dans un premier temps des identifications aux figures parentales, afin de pouvoir construire sa propre personnalité, mais en les réintégrant dans un deuxième temps, après en avoir estimé la légitimité.
Cet arrachement nécessaire peut être aussi extrêmement difficile, car il demande un deuil de l’enfance et peut faire renaître de très anciennes angoisses de séparation vécues bébé.
Le rôle du groupe
Pour faire face à toutes ces transformations, les parents ne sont plus forcément les meilleurs accompagnateurs, même si leur rôle de tuteur au sens de soutien est fondamental à cette période.
Le phénomène de groupe ou de bande, voire de gang, revêt une importance toute particulière à l’âge où l’on ne sait plus très bien ni qui l’on est, ni qui l’on veut devenir. Les pairs deviennent des références. Faire comme les autres de son âge, c’est essayer de trouver de nouvelles identifications lorsque l’on vient de perdre les anciennes mais c’est aussi pouvoir se comparer à autrui vivant la même chose que soi. C’est aussi s’assurer que ce que l’on vit, ressent, pense, craint est « normal ».
A la puberté, la solitude, l’absence de copains, est la marque et la cause d’une vraie difficulté et doit questionner l’entourage.
Le rôle des parents
Se construire à l’adolescence, c’est forcément se déconstruire et se reconstruire « contre », et notamment contre les parents.
Toutefois, rien n’est plus déstabilisant pour l’enfant en pleine mutation que de voir ses parents s’écrouler sous ses coups de colère, de gueule. Certes, une partie de lui-même, la plus pulsionnelle, exprime de l’agressivité, de la révolte, voire de la haine (les fameux « je vous déteste tous » qu’on entend souvent), mais une autre, dans le même temps redoute l’anéantissement du père ou de la mère par cette haine qui renverrait le jeune vers une absence de limite extrêmement angoissante. En effet, devant ses propres transformations, il a besoin d’une permanence de ses repères. Or, ceux-ci sont apportés par la stabilité de l’entourage qui tient ferme sur ses positions.
D’autres part, il a besoin de sentir qu’il est aimé sinon compris, qu’il peut compter sur ses parents, même si et c’est toute l’ambivalence de l’adolescence, il a besoin, dans le même temps de les rejeter.
Françoise Dolto décrivait l’adolescence comme la période du « complexe du homard » : l’enfant se défait de sa carapace, soudain étroite, pour en acquérir une autre. Entre les deux, il est vulnérable, agressif ou replié sur lui-même.
Aux parents de rester suffisamment distants pour laisser leur jeune se fabriquer une nouvelle coquille, la sienne, mais suffisamment proches aussi pour qu’il ne se blesse pas trop tant qu’elle n’est pas constituée.
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