Perte de mémoire, quand faut-il s'inquiéter ?
Publié le 30 janvier 2015 à 07:00
Les trous de mémoire à répétition sont-ils toujours synonymes de maladie d’Alzheimer ? Y-a-t-il des signes précurseurs de cette maladie qui apparaissent des décennies avant son diagnostic ? Existe-t-il des moyens de prévention ? Les professeurs Amiéva et Eustache, spécialisés dans le domaine de la mémoire, ont accepté de répondre à nos questions.
Que faire si des troubles de la mémoire apparaissent ?
Pr Eustache : Parfois et de façons répétées, une personne ne se souvient pas d’événements récents, même si on lui donne des indices. Elle peut aussi ne pas reconnaître des lieux ou des visages familiers.
En cas d'apparition de tels symptômes liés à la mémoire, le médecin traitant oriente le patient vers une consultation mémoire souvent pluridisciplinaire, avec des médecins et des neuropsychologues. « Lors de cette consultation mémoire, la plainte du patient et de sa famille est analysée et un examen neuropsychologique complet avec des tests standardisés est réalisé ».
Les tests standardisés permettent également de repérer l'une des caractéristiques de la maladie d'Alzheimer : des perturbations au niveau de « l'encodage », autrement dit des difficultés à inscrire les événements dans le cerveau. Dans cette pathologie, il peut aussi y avoir d'autres troubles associés : trouble du langage, du raisonnement.
Existe-t-il des signes précurseurs ?
Pr Amiéva : Lorsque le patient et sa famille consultent, il ressort souvent que les premiers signes étaient survenus plusieurs années auparavant... Ces derniers étaient passés inaperçus ou n'avaient pas inquiété plus que ça. Ainsi le stade d'évolution de la maladie est parfois déjà avancé alors que le diagnostic n'a pas encore été posé.
« Dans le cadre de nos études, nous suivons des milliers de personnes âgées représentatives de la population générale : certains développent la maladie d'Alzheimer, d'autres non. On s'est ainsi rendu compte que de petits dysfonctionnements apparaissent avant que la maladie se déclare, jusqu'à vingt ans avant ! »
Pr Eustache : « L'étude de ces grandes cohortes suggère donc que la maladie est très précoce dans le cerveau, et qu'elle chemine longtemps sans faire de bruit ».
Quels sont ces signes précurseurs ?
Pr Amiéva : « Nos travaux consistent justement à repérer ces petits troubles cognitifs qui apparaissent très en amont de la survenue de la maladie. Ils peuvent durer des années, voire des décennies... jusqu'au jour où les symptômes s'exacerbent et poussent à consulter. »
Pr Eustache : « Ce qu’on montré les études épidémiologiques, suivant de grandes cohortes de personnes de la population générale pendant plusieurs années, c’est notamment une baisse de la fluidité verbale dans des tâches qui demandent d’évoquer une liste de mots en un temps restreint, comme par exemple donner le plus grand nombre de noms d’animaux en une minute. »
Où en sommes-nous en termes de médicaments ?
Pr Eustache : Il y a eu de grands progrès dans les années 1990, notamment avec la "tacrine" (Cognex®) qui agit sur l'acétylcholine, un neurotransmetteur déficient dans la maladie d'Alzheimer. Ces types de médicaments n'agissent que sur les symptômes et ont un effet modeste, mais ils ont le mérite d'exister. Et les études ont montré que si les patients arrêtent de les prendre, ils déclinent davantage.
« On a vécu longtemps avec l'idée d'un traitement miracle... mais on revient aujourd'hui à une position plus humble : c'est une recherche qui va être très longue, complexe et extrêmement coûteuse. En revanche, il y a un mot que personne n'aurait osé prononcer il y a dix ans : c'est le mot "prévention". Sur ce point précis, les choses avancent avec des études épidémiologiques qui montrent clairement que certains facteurs modifient le cours de la maladie.
Quels sont ces facteurs préventifs ?
Pr Eustache : Ils peuvent se résumer en 4 points essentiels :
- Un mode de vie sain
- Une alimentation équilibrée
- La pratique d'activité physique régulière
- Une vie intellectuelle plus riche et plus saine ainsi que des loisirs.
Et que penser des thérapies non médicamenteuses ?
Pr Amiéva : « En ce qui concerne la prise en charge non médicamenteuse, on sait aujourd'hui qu'un accompagnement de qualité sur les plans psychologique et social contribue à ralentir la perte d'autonomie. »
Nous remercions les Professeurs Francis Eustache et Hélène Amiéva, tous deux spécialistes en neurosciences, de nous avoir accordé du temps pour répondre à toutes nos questions.
Infos pratiques
Les professeurs Eustache et Amieva sont des experts de l'observatoire B2V des mémoires : www.observatoireb2vdesmemoires.fr
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