Peut-on faire du sport quand on est épileptique ?
Publié le 08 février 2016 à 10:38
L'épilepsie est le trouble neurologique le plus fréquent après la migraine : en France, on compte 500.000 personnes épileptiques. Face au risque de crise et aux idées reçues, les malades tendent à renoncer à la pratique d’un sport. Pourtant, non seulement la pratique d’un sport n’a aucune raison d’aggraver une épilepsie, mais on peut souvent observer la diminution de la fréquence et de l’intensité des crises lors de la pratique. Le Dr Gilles Huberfeld nous éclaire sur le sujet.
L’association Epilepsie France (association nationale de patients reconnue d’utilité publique), a décidé cette année, à l’occasion de la journée de l’épilepsie qui a lieu ce 8 février, de cibler les bienfaits du sport sur la maladie et sur la vie des personnes atteintes.
Nous en avons profité pour interroger le Dr Gilles Huberfeld (du département de Neurophysiologie Clinique UPMC - CHU Pitié-Salpêtrière et INSERM U1129 - Epilepsie de l'Enfant et Plasticité Cérébrale) qui a eu la gentillesse de répondre à nos questions : Peut-on faire du sport quand on est épileptique ?
La pratique d'un sport ne risque-t-elle pas d'aggraver l'épilepsie ?
Globalement, la pratique d’un sport tend plutôt à améliorer l’épilepsie mais également son vécu par les personnes qui en souffrent.
Il existe un certain nombre de données théoriques qui laissent penser que l’activité physique pourrait provoquer des crises chez des personnes souffrant d’épilepsie (fatigue, stress, traumatisme crânien, respiration, déshydratation, augmentation de la température corporelle…) mais en pratique les crises ne surviennent presque jamais durant la pratique sportive, contre disant ces données théoriques.
L’attitude sur-protective des patients vis-à-vis d’eux-mêmes, de leurs proches ou de leur médecin n’est donc plus de mise en restreignant l’accès au sport. La communauté médicale est d’ailleurs totalement favorable à la pratique du sport chez les personnes souffrant d’épilepsie (en ne permettant cependant pas certains sports à risque).
Mais plus que le risque d’aggravation de l’épilepsie, qui est nul, c’est en fait un risque de traumatisme, éventuellement grave voire fatal, en cas de survenue de crise, qui est craint et justifie les rares interdictions.
Cela fait-il diminuer la fréquence des crises ?
Chez l’homme, peu d’études sont disponibles mais elles montrent globalement une réduction de la fréquence des crises, de leur sévérité et des anomalies sur l’électroencéphalogramme (ECG). Il existe beaucoup plus de données chez l’animal. Les rongeurs chez lesquels on induit une épilepsie ont une épilepsie moins sévère, avec moins de dommages cérébraux et l’épilepsie est plus difficile à induire.
Hormis la diminution de la fréquence des crises, le sport apporte-t-il d'autres avantages pour les épileptiques ?
Oui la pratique du sport permet de réduire d’autres troubles liés à l’épilepsie comme le stress, les troubles dépressifs et anxieux, les troubles du sommeil. Elle renforce l’image de soi, l’insertion sociale.
Quel sport peut ou doit-on pratiquer lorsqu'on est épileptique ?
Les patients souffrant d’épilepsie peuvent pratiquer presque tous les sports, notamment, sans la moindre arrière-pensée, la course à pied, les divers sports d’athlétisme, la plupart des sports de contact (judo, lutte...), les sports collectifs sur le terrain (baseball, basket-ball, cricket, hockey sur gazon, football, rugby, volley-ball...), les sports de raquette (squash, tennis de table, tennis...), la danse, le golf, le ski de fond.
Des précautions doivent être prises pour certains sports plus à risque (surveillance, port de casque ou de gilet de sauvetage) : ski alpin, natation en piscine et encore plus en mer, ski nautique, escrime, gymnastique, équitation, cyclisme, patinage, roller et skateboard, musculation.
Y-a-t-il des sports contre-indiqués ?
Certains sports sont généralement contre-indiqués (et interdits par les fédérations sportives) du fait du risque d’accident en cas de crise : escalade, aviation et sports mécaniques, parachutisme et sports équivalents, saut à ski, rodéo et course à cheval en compétition, plongée sous-marine, voile en solitaire, surf et planche à voile.
Dans certaines circonstances certains de ces sports sont cependant envisageables après avis médical : épilepsie équilibrée, sans crise depuis au moins 1 an, crise sans perte de connaissance.
Certains sports de contact sont souvent contre-indiqués, comme la boxe, du fait d’une crainte d’aggravation de l’épilepsie par traumatismes crâniens répétés, mais il n’existe aucune donnée solide pour valider cette crainte.
Peut-on pratiquer des sports en solitaire (vélo, running...) ?
Tout dépend ici du type de sport. Une activité ne mettant pas la vie en jeu lorsqu’une crise survient ne pose pas de problème. C’est le cas de la majorité d’entre eux, notamment de la course à pied et du cyclisme. Mais il faudra éviter par exemple de courir au bord des falaises ou de dévaler les pentes abruptes en VTT, ce qui, somme toute, n’est que du bon sens.
Malgré les contre-indications citées auparavant, peut-on pratiquer des sports dans l'eau sans risque ?
C’est un des problèmes principaux. Comme je vous le précisais certains sports d’eau sont contre-indiqués, sauf lorsque l’épilepsie est guérie ou lorsque l’on est certain qu’il n’y a pas de crise depuis plusieurs années : plongée sous-marine, voile en solitaire, planche à voile et surf.
Pour la natation, la situation est nettement plus contrastée. Il faut insister sur le fait que le risque de noyade est nettement augmenté chez les personnes souffrant d’épilepsie (mais la grande majorité d’entre elles ont lieu à la maison dans la baignoire).
La natation en piscine est autorisée mais, si l’épilepsie est active, il convient de se baigner sous surveillance. A ce titre, la présence d’un maitre-nageur n’est pas suffisante : il doit être averti et exercer une surveillance particulière.
En mer, la natation n’est possible que si l’épilepsie est contrôlée et nécessite une surveillance proche (voire un gilet) si elle ne l’est pas.
Pour débuter un sport, faut-il prendre des précautions ?
Il convient de choisir un sport adapté à son épilepsie et de respecter les précautions habituelles, notamment cardio-vasculaires.
Les médicaments antiépileptiques doivent être pris à la bonne heure.
Bien entendu, j'imagine que si l'on pratique un sport et que les crises diminuent, il ne faut pas, cependant, arrêter son traitement médicamenteux ?
Evidemment pas.
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